Ashima Shiraishi, la grimpeuse prodige qui redessine les contours de l’escalade moderne - Climbing District
Published on 11.08.2025

Ashima Shiraishi, la grimpeuse prodige qui redessine les contours de l’escalade moderne

Ashima Shiraishi, la grimpeuse prodige qui redessine les contours de l’escalade moderne. Arc'teryx, Climbing District

Il y a des trajectoires qui échappent à la logique. Celle d’Ashima Shiraishi, née en 2001 à New York de parents japonais, est de celles-là. À l’âge où d’autres apprennent à faire du vélo, elle s’accroche aux parois de Central Park comme si sa vie en dépendait. À six ans, elle découvre Rat Rock, un bloc sans prétention devenu son sanctuaire. Quinze ans plus tard, elle est devenue une icône silencieuse, célébrée autant pour ses exploits que pour l’aplomb avec lequel elle les traverse.

Ashima n’a jamais vraiment eu besoin de crier pour se faire entendre. À 10 ans, elle devient la plus jeune grimpeuse à réussir un bloc coté V13 (Crown of Aragorn, Hueco Tanks, Texas). Trois ans plus tard, elle devient la première femme — et la plus jeune de l’histoire — à enchaîner un V15 (Horizon, Mont Hiei, Japon). Des chiffres qui, dans le petit monde de l’escalade, ont valeur de révolution. Mais pour Shiraishi, la performance ne se résume pas à la conquête d’un sommet : c’est une écriture du corps, un dialogue entre intuition, gravité et art du mouvement.

Comme on décrypte un haïku

À l’inverse de nombreuses carrières sportives prématurément façonnées par les institutions, le parcours d’Ashima s’est d’abord écrit en famille. Son père, Hisatoshi “Poppo” Shiraishi, ancien danseur de butō dans les rues de Tokyo, devient son premier coach. Dans ce duo à la complicité palpable, l’approche de l’escalade flirte avec la poésie : il ne s’agit pas d’écraser les blocs, mais de les comprendre, de “les résoudre” comme on décrypte un haïku.

En 2012, elle rompt avec Obe Carrion, son coach américain, et revient à une pratique plus intime, familiale. Pourtant, rien dans cette simplicité ne freine son ascension fulgurante. En compétition, Ashima domine les catégories jeunes de la IFSC (Fédération internationale), raflant les titres mondiaux en bloc et difficulté en 2015 et 2016, avant de s’imposer aux championnats nationaux américains.

Mais à mesure que son palmarès gonfle, la jeune fille résiste à la tentation du spectaculaire. Elle grimpe dans le silence, sans ego, comme on médite. La verticalité est son terrain d’apaisement, sa manière d’échapper au vacarme new-yorkais. Ce calme dans la tempête, cette absence de rage, détonne dans un monde sportif encore souvent marqué par les postures virilistes.

Une icône (in)volontaire

À 16 ans, Ashima figure déjà sur les radars des plus grandes marques. Arc’teryx, Evolv, Petzl, puis Coca-Cola Japon ou Nikon : les sponsors se bousculent pour associer leur image à la sienne. Pourtant, elle refuse de devenir une figure marketée. Sur les réseaux, ses prises de parole sont rares, mesurées. Pas de slogans, pas de storytelling calibré. Juste des vidéos de blocs gravis dans des recoins oubliés du globe, des portraits discrets, des fragments de grâce.

Elle publie en 2020 un album jeunesse, How to Solve a Problem, où elle raconte comment l’escalade l’a aidée à gérer les obstacles de la vie. Loin d’un discours héroïque, elle y célèbre la vulnérabilité, l’échec, la persévérance – et par là même, une autre manière d’être sportive : lucide, modeste, et radicalement humaine.

Ashima Shiraishi, la grimpeuse prodige qui redessine les contours de l’escalade moderne. Arc'teryx, Climbing District

Loin des podiums, proche du monde

Ashima Shiraishi aurait pu s’enfermer dans le circuit professionnel, multiplier les médailles et viser les Jeux olympiques. Mais à l’heure où la discipline cherche sa place dans le giron olympique, elle fait un pas de côté. Elle poursuit des études à UCLA, en neurosciences et en études environnementales. Elle grimpe encore, bien sûr. Mais sans bruit. Elle choisit ses projets, ses rochers, ses partenaires. Elle incarne une génération qui refuse le sacrifice total au sport et préfère en faire un levier d’ouverture sur le monde.

Dans un sport encore très masculin et très blanc, Ashima est aussi une pionnière en termes de représentation. Grimpeuse asiatique, jeune femme dans un univers de force brute, elle redéfinit les codes. Non pas en se les appropriant, mais en les contournant. Sa réussite n’est pas une revanche ; c’est une proposition. Une autre manière de gravir les murs : sans confrontation, mais avec légèreté, intelligence et une exigence esthétique rare.

Une grâce nécessaire

Aujourd’hui, Ashima a 24 ans. Elle continue à grimper, à apprendre, à se réinventer. Elle n’est plus “l’enfant prodige” qu’on exhibait dans les magazines. Elle est devenue une femme, une athlète complète, une voix subtile dans un monde trop souvent saturé d’images bruyantes.

Il y a chez elle quelque chose de la calligraphe : chaque mouvement semble écrit avec la précision d’un pinceau sur papier de riz. Et si elle grimpe toujours plus haut, c’est peut-être parce qu’elle sait que la vraie force réside dans la douceur.

Ashima Shiraishi ne conquiert pas les murs. Elle les honore.

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*The information presented in this article corresponds to the period of its publication - August 2025.
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